La farce continue : voici « la cuisine note à note », avec un concours organisé autour du méthional par Hervé This et consorts
La gastronomie moléculaire créait déjà la confusion, la cuisine moléculaire qui en est issue pas moins. Hervé This, qui est son apôtre, continue de jouer à l’apprenti-sorcier et nous a dégoté une nouvelle idée : « La cuisine note à note » ! Je vous laisse juge en attendant les résultats de ce concours international de « Cuisine note à note » dont nous connaîtrons les prix le 23 mai 2014 et pour lequel il est proposé aux candidats de réaliser un à trois aliments qui devront tous contenir du méthional - qui permettrait évidemment une artificialisation de la nourriture -, un composé qui sera fourni aux participants en solution diluée dans l’huile. Les plats soumis au jury seront appréciés à leur degré de proximité avec la « cuisine note à note pure », mais évidemment, souligne Hervé This, on jugera aussi l’originalité de la mise en œuvre du méthional et on favorisera également les productions qui ne contiendront pas de tissus végétaux (fruits, légumes) ou animaux (viande, œufs, poisson) entiers, mais plutôt des fractions inédites de tels composés (par exemple, poudre de blanc d’œufs, protéines laitières…). Les participants seront libres de se procurer ces fractions ou de les produire eux-mêmes. Je vous livrerais dans une parution ultérieure quelques recettes de « cuisine note à note ». C’est édifiant : la chimie est triomphante avec une variété infinie d’ingrédients de laboratoire de l'industrie. Mais lisons d’abord Hervé This : « Ce qui est à l'origine de confusions, c'est que, à l'époque où nous avons créé la gastronomie moléculaire, nous avons voulu rénover les techniques culinaires, et introduit la terminologie « cuisine moléculaire » pour désigner cette nouvelle cuisine rénovée. La définition de la « cuisine moléculaire » est : « La production d'aliments (la cuisine, donc) par de « nouveaux » outils, ingrédients, méthodes ». Dans cette définition, le terme « nouveau » désigne plus ou moins tout ce qui n'était pas dans les cuisines des cuisiniers français en 1980. Par exemple : le siphon (pour faire des mousses), l'alginate de sodium (pour faire des perles à cœur liquide, des spaghetti de légumes, etc.) et les autres gélifiants (agar-agar, carraghénanes, etc.), l'azote liquide (pour la production de sorbets et de bien d'autres préparations), l'évaporateur rotatif, et, plus généralement, l'ensemble des matériels de laboratoire qui peuvent avoir une utilité technique ; un exemple de méthode nouvelle, enfin, la préparation du « chocolat chantilly », des beaumés, des gibbs, des nollet, des vauquelins, etc. (voir Cours de gastronomie moléculaire n°1 : Science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?, Ed Quae/Belin). Evidemment, tous ces outils, ingrédients, méthodes ne sont pas nouveau stricto sensu (bien des gélifiants « nouveaux » sont séculaires, en Asie, et utilisés par l'industrie alimentaire depuis longtemps, tandis que bien des outils sont traditionnels en chimie), mais le projet était de rénover l'activité technique culinaire. Enfin, oui, la terminologie « cuisine moléculaire » est mal choisie, mais elle a été imposée conjoncturellement ; c'est une expression consacrée (elle est apparue dans le Robert, avec une définition fautive hélas, et dans l'Encyclopedia Britannica, avec une définition juste, heureusement), qui est de toute façon appelée à disparaître... en raison de la proposition suivante. » - Et de nous décrire ce que sera la prochaine tendance culinaire, dont il prédit qu’elle sera durable : « La cuisine note à note » : « La proposition, bien plus enthousiasmante, est celle de la CUISINE NOTE A NOTE. Elle est née en 1994 (publiée dans la revue Scientific American) alors que nous nous amusions à introduire des composés définis dans des aliments : du paraéthylphénol dans des vins ou dans des whiskys, du 1-octène-3-ol dans des plats, du limonène, de l'acide tartrique, etc. La proposition initiale était d'améliorer des aliments... mais s'est introduit tout naturellement, en prolongement de la pratique précédente, l'idée de composer des aliments entièrement à partir de composés. Autrement dit, la cuisine note à note ne fait plus usage de mélanges traditionnels de composés alimentaires (viandes, poissons, fruits, légumes), mais seulement de composés... tout comme la musique électroacoustique ne fait pas usage de trompettes, violons, etc. mais seulement d'ondes sonores pures que l'on combine. Utilisant des composés purs, le cuisinier doit donc :– concevoir les formes des éléments constitutifs du mets; – concevoir leurs couleurs; – concevoir leurs saveurs; – concevoir leurs odeurs (ante et rétronasale); – concevoir l'action trigéminale; – concevoir les consistances; – concevoir les températures; – concevoir la constitution nutritionnelle, etc.». – A suivre, avec les recettes de « cuisine note à note », mais je ne vous dis pas bon appétit et… large soif ! Que va devenir ma bonne blanquette de veau à l’ancienne ?