Paris 11e : "Le Servan", très très bonne pioche bistrotière
Et une adresse de plus pour cette rue Saint-Maur qui se veut de plus en plus gourmande : "Le Servan" qui trône à l'angle Chemin-Vert. Il y a là les deux soeurs Levha qui possèdent des sourires lumineux. D'origine philipinne, elles ont des prénonms qui indique une certaine mixité, Katia et Tatiana. Elles font déjà le miel charmeur de cet endroit que l'on connût banal café d'angle. Plutôt laid d'ailleurs, mais aujourd'hui joliment rénové et bénéficiant de la découverte d'un admirable ciel-plafond mouluré jadis caché par le modernisme de l'époque. Un tout nouveau bar laqué noir et or vient compléter la donne décorative. Les tables sont déjà prises d'assaut (la gente féminine s'est aussi emparée du lieu) par une clientèle bobo-populo-chic s'attablant pour une cuisine qui en jette dans le mordant, le vif, voire même le déluré mais pas déjanté. Tatiana est passée dans les cuisines d'Alain Passard à "L'Arpège" et de Pascal Barbot - suite logique - à "L'Astrance", pas moins. Chaque jour, la feuille du menu est blanche et ne s'imprime qu'au tout dernier moment, peu avant le service. Ce jour dernier, des oeufs mollet en gelée et des asperges vertes relevées de pamplemousse et de coques, un cabillaud au beurre d'herbes, laitue rôtie et pommes de terre, un poulet cuit vapeur agrémenté d'un vinaigre noir, de soja et de pak choi, une tarte à l'abricot et des cerises au vin rouge. Des compositions justes, ciselées, tout en saveurs délicates. Au dîner, on apéritive et on zakouskise avec des radis au beurre de hareng, du concombre sauce satay, des coques au piment et au basilic ou des coeurs de canard frit flanqués d'une sweet chili sauce avant de démarrer les hostilités, les entrées - c'est comme les huîtres, il faut bien les ouvrir -, un bouillon de boeuf à la moelle, du sar cru aux févettes et au sureau, un tourteau aux petits pois et crème de corail ou une caille "adobo". Vient le temps du plat, entre lotte, beurre d'herbes et salicorne, canard de Challans cuit à l'étouffée et son jus au sang relevé de piment-rhubarbe et carottes rôties ou de l'épaule d'agneau confite, à l'arroche et au citron confit au cumin. Le fromage, la tarte aux pralines roses, le Paris-Brest ou la nage de fraises et rhubarbe viennent en riantes issues sucrées. Mais tout ceci ne sera plus d'actualité lors de votre passage, la carte se jouant au quotidien. Pour irriguer le tout, c'est Katia qui dispose de jolis crus naturistes ou non - le "Ruben" de Sébastien Bobinet a bien plu tout comme le champagne de Lassaigne - qui s'inscrivent sur une carte déjà bien pourvue. Cette très très bonne pioche bistrotière vaut le détour. Bon appétit et... large soif : "Le Servan". 32, rue Saint-Maur (Paris 11e). Tél. : 01 55 28 51 82. Fermé dimanche et lundi. Jusqu'à 22 h 30. Menus : 23 € (déjeuner). Carte : 40-70 €. M° Saint-Ambroise.